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BENIN: L'église catholique oppose un refus catégorique à la limitation de la population, le gouvernement bémolise

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Patrice Talon

« En initiant ces assises, le Gouvernement du Bénin ne veut pas promouvoir la limitation des naissances. Ce n'est pas de ça qu'il s'agit. Il s'agit plutôt de la question de parentalité responsable ». C'est par cette clarification importante que le Ministre d'État, chargé du Développement et de la Coordination de l'action gouvernementale, Monsieur Abdoulaye BIO TCHANÉ, a lancé les travaux de la rencontre de synthèse sur les Assises Nationales sur la croissance démographique et le développement au Bénin projetées pour le mois de Novembre prochain. 

Présidée par le Ministre d'État Abdoulaye BIO TCHANÉ, cette réunion avec les membres des CoDirs des différents ministères a connu la présence du Conseiller Spécial du Chef de l'État, Monsieur Johannes DAGNON, du Secrétaire Général Adjoint du Gouvernement, Porte-parole du Gouvernement, Monsieur Wilfried Léandre HOUNGBÉDJI, de plusieurs ministres et de plusieurs hautes personnalités. 

De la présentation du contexte par le Directeur de Cabinet du Ministère du Développement et de la Coordination de l'action gouvernementale, Monsieur Alastaire Sèna ALINSATO, il ressort qu'en moyenne, le Béninois reste dépendant jusqu'à l'âge de 24 ans et après 61 ans. Le surplus dégagé donc par les individus en situation de travail ne permet pas de compenser les déficits que créent les individus en situation de dépendance. Se fondant sur les études de 2019, il fait noter que le déficit que créent les individus qui sont à charge, c'est-à-dire de 0 à 24 ans, est d'environ 32% du PIB. Le déficit créé par les personnes du 3ème âge est de 1,7 % du PIB. Par contre, le surplus que créent les individus en situation de travail est d'environ 25% du PIB dégageant donc un déficit global net d'environ 8%. 

À une estimation simple de ce déficit, c'est que ceci amenuise les capacités nettes d'épargne et d'investissement du pays. En projetant cette tendance dans le temps, il s'observe que globalement, malgré les performances économiques réalisées par le Bénin, celle-ci a du mal à pousser le niveau de vie des populations mesuré par le PIB par habitant. 

Ainsi donc, si les tendances actuelles en matière de croissance démographique se poursuivent, en 25 ans, la population du Bénin sera doublée et dans le même temps, le Bénin aura besoin de 60 ans pour doubler le PIB. Cet état de chose inquiétant pour l'avenir nécessite des réflexions approfondies de tous les compartiments de notre pays. Et c'est le chemin de sagesse emprunté par le Gouvernement du Bénin. 

À la suite du Directeur de Cabinet du Ministre d’État, plusieurs ministres ont présenté, chacun dans son secteur, les impacts qu'induiront cette croissance démographique d'ici 2030-2050. 

Pour exemples, dans le secteur de la Santé, l’État aura besoin de recruter plus de 22.777 médecins et d'investir plus de 144,04 milliards de FCFA à l'horizon 2050 pour la formation des ressources humaines en Santé. C'est énorme. Pour les Enseignements Maternel et Primaire, d'ici 2050, il y aura un besoin de 1.650 salles de classe à construire et 6.890 enseignants complémentaires à recruter au rythme de la population scolarisée. 

En ce qui concerne l'Enseignement Secondaire, Technique et de la Formation professionnelle, il ressort que si rien n'est fait face à cette forte croissance démographique, le Gouvernement aura à investir dans ce sous-secteur plus de 30.051, 84 milliards de FCFA d'ici 2050. Un investissement très lourd se dégage également au niveau de l'enseignement supérieur avec un besoin de recrutement de 850 enseignants par an en moyenne contre 100 retenus en 2023. Et pour la construction, la réhabilitation des infrastructures universitaires modernes, il y aura un besoin annuel estimé à 45 milliards de FCFA contre 20 à 25 milliards de FCFA. 

 Des investissements collosaux pour quelles ressources disponibles pour le pays ?

À l'évidence, ces données posent la problématique de l'efficacité de la politique nationale de population notamment celle de la parentalité responsable indique le Directeur de l'Institut National de la Statistique et de la Démographie (INStaD), Monsieur Laurent Mahounou HOUNSA. Dès lors, il apparaît déterminant d'envisager un réajustement des paradigmes en la matière en vue d'asseoir de bonnes bases à même de concilier l'ambition de bien-être partagé et le désir de procréation. C'est donc pour cette raison que le Gouvernement entend organiser les assises nationales sur la croissance démographique et le développement. 

Le Ministre d'État, chargé du Développement et de la Coordination de l'action gouvernementale, Monsieur Abdoulaye BIO TCHANÉ a rassuré qu'il ne s'agit pas de limitation des naissances mais plutôt d'une parentalité responsable et invité le corps administratif à être de véritables ambassadeurs de cette sage problématique en attendant les assises proprement dites prévues pour le mois de Novembre prochain.

 

 L'église catholique s'oppose toute limitation de la population

Appuyé par la conférence des évêques du Bénin, l’Observatoire chrétien catholique de la gouvernance (Occg) a présenté en début de semaine écoulée ses recommandations en vue des assises sur la démographie voulues par les autorités béninoises.

« Tout discours sur le développement qui propose la réduction de la population est fallacieux », soutiennent les préconisations de cet observatoire.

L’Église catholique compte bien faire entendre sa voix lors des assises nationales sur la croissance démographique et le développement du Bénin. Mardi 12 septembre 2023, était présenté le résultat de trois mois de réflexions de l’Observatoire chrétien catholique de la gouvernance (Occg), missionné par les évêques en préparation de ces assises. En rendant ces travaux sous la forme d’un mémorandum, l’« Église veut préparer les fidèles à cerner les enjeux du débat afin de se faire leur opinion », a assuré le père Éric Okpeitcha, secrétaire général adjoint de la conférence épiscopale du Bénin.

 

Et si le professeur Raphaël Yébou, secrétaire du comité scientifique ayant travaillé à l’élaboration du document, a déclaré que « la mission des religions, voire de l’Église, et celle de l’État (…) ne s’opposeraient pas l’une à l’autre », il n’en est pas moins clair que l’Église préconise « une rupture avec les préconçus et les préétablis qu’on voudrait nous voir reprendre servilement ».

Alors que certains semblent reprendre l’idée d’encourager à une limitation de la population, les rédacteurs du mémorandum catholique exhortent à l’inverse à « « prendre conscience de ce que nous ne sommes, en réalité, pas si nombreux et que nous devons juste travailler pour transformer la terre chez nous », selon les mots du père Nathanaël Soédé, président de l’Occg.

« Le développement par la production et non par la réduction de la population »

En effet, sur le sujet, le mémorandum est sans ambages : « Tout discours sur le développement qui propose la réduction de la population est fallacieux ». Selon le père Soédé, « notre inactivité profite à des peuples qui viennent nous proposer de réduire notre population et introduire chez nous leurs pratiques sexuelles, leurs réponses aux problèmes du développement et de la démographie alors que nous pouvons ici faire de la croissance démographique plutôt un atout pour le développement du pays et de l’Afrique ».

« Pourquoi ne dit-on pas de l’Inde qui, à elle seule, avec son 1,4 milliard [d’habitants] fait pratiquement la population de l’Afrique entière, qu’elle est surpeuplée mais qu’on traite l’Afrique de surpeuplée au point qu’on doive y réduire la population ? », s’interroge celui qui est l’aumônier des cadres et personnalités politiques du Bénin. Aussi le mot d’ordre de l’Église en se rendant à ces assises est-il : « le développement par la production et non par la réduction de la population. Ne laissons pas bafouer la famille africaine sur sa propre terre ».

 Culture, démographie et développement

Le mémorandum publié par l’Occg donne à lire un recueil de douze recommandations adressées aux gouvernants, aux décideurs et à l’ensemble du peuple béninois. En première ligne, l’Occg souhaite « qu’on établisse le lien non pas entre la démographie et le développement mais plutôt entre culture, démographie et développement ». Cela induit « que toute décision concernant la dynamique démographique au Bénin soit centrée sur l’homme avec sa sensibilité culturelle, sa spiritualité et ses aspirations en matière de développement ».

 

En outre, l’Occg recommande « que le Bénin s’assume toujours en tant qu’État souverain dans la coopération internationale et exploite celle-ci en faveur du peuple de sorte qu’elle contribue au respect des droits de la personne et à la promotion de la dignité humaine ». Enfin, l’Occg souhaite « que des agents communaux soient formés pour donner des informations équilibrées sur les enjeux réels de la démographie et du développement qui incluent la parentalité responsable ».

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